Biblio-Portrait #4 - Olivier Hamel


Nous avons eu la chance d'échanger avec Olivier Hamel, aussi connu sous le nom de biblioboxeur, pour ce quatrième Biblio-Portrait! Olivier est bibliothécaire scolaire pour la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys et il s’est donné pour objectif de « quitter le cadre pédagogique classique et [de] faire rêver les élèves » (Larochelle, 2016). Il a, entre autre, réussi à susciter l’intérêt des garçons pour la lecture via les bande-dessinées, les mangas, les romans d’action, les jeux de société et même les livres dont vous êtes le héros.


Quels sont les autres postes que tu as occupés en tant que bibliothécaire?


J’ai occupé le poste de bibliothécaire jeunesse lors d’un stage à la bibliothèque multimédia de Limoges (grande bibliothèque). J’ai aussi été animateur et consultant pour différentes organisations, médiateur pour 2 regroupements pour la valorisation de la persévérance scolaire.


À quoi ressemblait ta vie professionnelle ou académique avant la bibliothéconomie?


Je rêvais d’être Indiana Jones. J’ai fait des études en histoire, un baccalauréat à l’UQAM. Avant j’étais un décrocheur scolaire, j’avais pris un certain retard, donc j’ai décidé d’étudier l’archivistique à l’UQAM. J’ai trouvé ça bien à cause des principes fondamentaux et j’avais un intérêt pour les archives historiques, mais il manquait quelque chose. Je suis donc allé étudier en Bibliothéconomie, où j’ai été confronté à des multitudes de points de vue et approches. C’était intéressant, même si c’était un peu moins cohérent. C’est plus difficile de trouver un emploi en archivistique et j’avais l’impression de travailler plus. La bibliothéconomie, ça me parlait beaucoup plus. La seule chose qui manque, c’est la passion. Je trouve que les bibliothécaires ne sont pas assez passionnés. Le rôle de médiateur du bibliothécaire est si important; il faut faire le pont entre le livre et le public.


Décris-moi une journée typique au travail.


Je vais à la librairie faire les achats pour une école, par exemple 30 livres ou même des jeux. Puis je travaille sur différents projets. Une journée, je peux aller dans une école primaire favorisée ou défavorisée pour apprendre aux élèves à jouer aux cartes Pokémon. Je suis présent aussi à des festivals et des événements, par exemple Le Festival de BD de Montréal. Je fais aussi des rencontres avec des partenaires, mais 80% de mon temps je le passe dans une école. Je ne suis jamais à ton bureau. Je travaille avec des publics très diversifiés.


Un projet qui te tient à cœur sur lequel tu travailles en ce moment? (Si tu peux nous en parler, bien sûr)


Tous mes projets me tiennent à cœur sinon je ne les fais pas. En ce moment, je travaille sur un projet autour du concept de voyage interstellaire. Je veux amener les jeunes à réfléchir. Le scénario c’est que l’on doit quitter la terre pour aller vers une étoile. Mon approche se base sur celle des auteurs de science-fiction: des rêveurs qui ont contribué aux avancements de la pensée scientifique et des technologies spatiales, plutôt que des scientifiques. Le projet c’est de créer un programme spatial d’exploration interstellaire (vaisseau). Je fais aussi un lien avec l’écologie avec des questions: doit-on aller ailleurs que sur la terre ? Je trouve toujours des collaborateurs importants, par exemple un partenariat avec le planétarium, etc.


Qu’est-ce que tu apprécies le plus dans la carrière de bibliothécaire ?


Être bibliothécaire scolaire à cause de la liberté d’action. J’adore ma mission de transmettre la passion pour la lecture. J’ai vraiment un rôle explosé, j’ai carte blanche. Mon métier est non-traditionnel. Parfois les gens autour de moi ont une vision négative, mais je me concentre sur l’importance de mon rôle de médiateur. Je me vois comme un consultant pour les enseignants. Je fais vivre les livres. J’aime aussi être présent, voir l’évolution des jeunes et l’impact que j’ai eu sur leur apprentissage. Ça me passionne.


Qu’est-ce que tu apprécies le moins dans la carrière de bibliothécaire ?


Ce que j’apprécie le moins est relatif à plusieurs milieux de travail, malheureusement : le pessimisme et le négatif. Il y a un manque de vision et d’enthousiasme. Plusieurs bibliothécaires s’attardent plus sur la critique que sur la démesure, le rêve et la création. Ce qui est triste aussi c’est que l’on met toujours de l’avant la bibliothèque comme un milieu de travail collaboratif, on essaie de plaquer le modèle universitaire au milieu scolaire: la vision du 21e siècle, le travail de recherche, la collaboration, etc. Bref ce qui est propre au milieu académique, informationnel. Mais les enjeux sont différents dans le milieu scolaire. On doit développer le goût de la lecture, c’est le mandat 1er des bibliothécaires scolaires. La bibliothèque scolaire devrait être un lieu ludique avant d’être vu comme un milieu de recherche.


Le plus gros défi ou les grands enjeux en ce moment dans ton travail ou ton milieu?


On travaille avec des jeunes démoralisés qui vivent de l’anxiété, qui sont entourés d’un monde stressant avec des enjeux terrifiants (robotique, AI, environnement, etc.). On veut former des citoyen éclairés, efficaces et utiles, mais le milieu scolaire est en décrépitude, les approches sont obsolètes, les différents intervenants impliqués sont démoralisés et fatigués. Faute d’espace, les bibliothèques scolaires risquent de disparaître… Elles sont tenues à bout de bras par des bénévoles. Au gouvernement on insiste sur le fait que la lecture est importante, mais il n’y a pas de ressources financières. C’est le contexte dans lequel on doit donner envie de lire. Il y a aussi le danger de devenir zombie, les enfants passent leur journée sur des écrans et on continue d’investir dans des équipements informatiques. Les jeunes sont à un niveau de développement où ils ont besoin de toucher des livres, de lire. Il faut les amener là. La lecture est en voie de disparition et pourtant c’est l’un de ses bienfaits de contrer l’anxiété!


Ta dernière découverte en matière de livre ou de jeu (ou autre ressource!)?


J’ai découvert la BD 5 Mondes qui est vraiment d’actualité et qui traite de certains enjeux. Sinon j’adore le livre-jeux. Sinon j’ai aussi trouvé des Cherche et trouve pop up 3D à exploiter dans les cours. Aussi, un récit de science-fiction d’un écrivain de Sherbrooke, Mathieu Muir, L’Ère de l’expansion. C’est un récit qui parle des considérations économiques sociétales et politiques dans une approche pas totalement post-apocalyptique, mais plutôt la survie et l’adaptation. J’aime les livres avec un potentiel pédagoludique. De la littérature qui nous aide à réfléchir sur les enjeux. Tout le monde devrait travailler sur ce livre! 


Conclusion

À voir toutes les possibilités d'exploitation du livre en bibliothèque scolaire il apparaît clair qu'il ne manque que des bibliothécaires passionnés et motivés pour ramener les jeunes vers la lecture (et un peu de financement, mais ça on en parlera dans un autre billet!). Olivier Hamel est vraiment une figure modèle en terme d'initiatives, d'implication et de projets stimulants. La bibliothèque est vraiment un lieu privilégié pour les élèves pour développer de bonnes pratiques de lecture, mais aussi c'est un lieu de savoirs et de divertissement qui contribue au développement et à l'apprentissage en général, car la bibliothèque est transversale. Je crois qu'il serait pertinent pour les bibliothécaires scolaires du Québec d'échanger leurs bonnes idées ainsi que leurs bons coups en matière de littératie afin qu'une richesse "pédagoludique", pour reprendre le terme de Monsieur Hamel, se déploie à l'échelle nationale. 

Ressources

À propos d'Olivier Hamel

Dion-Viens, Dapghnée. (2018).  Des livres de donjons et... même de Pokémon. Le journal de Québec. Repéré à https://www.journaldequebec.com/2018/09/01/des-livres-de-donjons-et-meme-de-pokemon 

Jodoin, Luc (). Mon bibliothécaire de la semaine : Olivier Hamel :) [article de blog]. Bibliobabil. Repéré à http://bibliobabil.com/2011/02/09/mon-bibliothecaire-de-la-semaine-olivier-hamel/
Larochelle, S. (2016). La testostérone littéraire. La presse. Repéré à http://plus.lapresse.ca/screens/60529d09-35e7-4a43-a039-aca7243dd35d__7C___0.html 

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